02 septembre 2006

Un homme civilisé en bourreau

Je suis encore sous le coup de l'émotion. Hier soir, je suis allé voir une pièce de théâtre absolument terrible adaptée du roman de l'Américaine Kressmann Taylor Inconnu à cette adresse. Cet échange imaginaire de lettres entre un Juif américain et son ami allemand retourné dans son pays peu de temps avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir montre comment un homme peut tomber progressivement dans le piège du fanatisme et de l'antisémitisme. Xavier Béja et Guillaume Orsat accompagnés par François Perrin au violon apportent une force supplémentaire au texte grâce à leur jeu et à une mise en scène épurée. Chaque lettre n'est pas lue, elle est clamée par son auteur. Elle est adressée yeux dans les yeux à son destinataire, ce qui a pour effet de renforcer le poids de sa charge émotionnelle d'abord positive ensuite dramatique. Dans un premier temps dubitatif sur Hitler, l'ami allemand acceptera au fil des mois certains arrangements avec la violence à l'égard des Juifs, avant de devenir farouchement antisémite. L'homme providentiel a transformé un homme civilisé en bourreau.
Dans la petite salle du Lucernaire, le public est littéralement paralysé par l'émotion. Lorsque la pièce se termine, le silence est total. Il faut un long moment pour que les applaudissements fusent afin de saluer et remercier les acteurs pour ce moment intense. Je pense que chaque soir, cette réaction est identique. Elle signe la réussite d'un texte majeur et d'une pièce à voir absolument.

Aucun commentaire: