04 mai 2007

Le choix

L'espoir de voir François Bayrou accéder au second tour de l'élection présidentielle s'est donc brisé sur la nécessité selon les uns de voter utile afin d'exorciser la « faute » du 21 avril 2002, et selon les autres d'asseoir une vraie rupture avec mai 1968, cause de tous les maux de la France d'aujourd'hui.
Comme je l'ai dit dans ma chronique du 22 avril, les Français ont choisi la continuité du débat gauche-droite au détriment du renouveau que proposait François Bayrou. Je maintiens cette analyse en dépit de la remarque de RR, qui voit « plutôt venir la "nouveauté" d'un débat gauche-droite. Car depuis un quart de siècle, au moins, nous vivions une sorte de débat gauche-gauche. »
Je pense que RR se situe surtout sur le plan économique alors que je me situe pour ma part sur le plan politique. Or que disent les idéologues des deux bords : la droite a raison sur les valeurs tandis que la gauche les corrompt. La diatribe de Nicolas Sarkozy sur mai 1968, « qu'il faut liquider », est révélateur de cet état d'esprit primaire. La vie est bien plus compliquée que cela. Mai 1968 a permis l'émancipation des femmes et a changé les rapports au sein de la famille, de l'université et du monde du travail. Ce n'est pas rien dans une société où la pensée était à l'époque sclérosée.
Quoi qu'il en soit, le second tour de l'élection présidentielle a signé le début d'une nouvelle campagne avec les deux candidats restant en lice. Pour moi qui aie voté François Bayrou, c'est du deuxième choix, de la qualité moindre, avec lequel il faut pourtant faire affaire pour se prononcer. Bien sûr, je pourrais aller à la pêche. Beaucoup le feront. Pas moi. Après une longue réflexion sur les valeurs, l'enjeu et la conception que je me fais de la politique, j'ai décidé de me prononcer.
Mais que cette décision fut difficile à prendre. Je ne crois pas que, de toute ma vie de citoyen électeur, j'ai rencontré autant de difficulté qu'en 2007 pour valider mon vote au second tour d'une élection présidentielle. Tantôt j'ai penché pour une décision, voter Royal, tantôt une autre a pris le dessus, voter blanc. Les faits se sont mêlés aux sentiments pour balancer parfois vers ce qu'il me paraissaît être le plus juste. Puis, parce qu'un nouvel événement se produisait, je ressentais à nouveau la nécessité d'un débat intérieur. 2007 aura au moins eu ce mérite, maintes fois constaté au cours de cette campagne : j'ai retrouvé le goût de la politique. Un sentiment, je crois, partagé par beaucoup.
Donc le choix a été difficile. J'ai écouté les arguments de campagne, j'ai écouté Ségolène Royal et François Bayrou lors de leur dialogue devant les caméras de BFM TV le 28 avril, j'ai écouté Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy lors du fameux débat du 2 mai, et j'en ai déduit une conviction. Entre un homme qui dénonce à la vindicte publique des boucs émissaires vieux de 40 ans, qui prône l'autoritarisme comme solution aux problèmes, qui ne me paraît pas fiable, et une femme qui, comme l'a sans cesse rappelé François Bayrou, reste ancrée dans une vision étatiste de l'économie, que faire ?! Eh bien je voterai Ségolène Royal. Ce n'est certes pas par conviction. Je n'aime pas tout dans ce Pacte présidentiel qu'elle propose. Cependant Ségolène Royal a fait bouger le PS bien plus qu'aucun autre responsable socialiste n'aurait pu le faire. C'est à mettre à son crédit. Et puis, il y a ce fait, que certains pourraient prendre pour un détail mais qui n'en est pas un, un fait qui a entraîné ma décision irrévocable. Il y a... Valérie Pécresse. J'ai appris aujourd'hui que parmi les noms les plus cités pour prendre en charge le ministère de la Santé, en cas de victoire de Nicolas Sarkozy, revenait celui-ci : Valérie Pécresse. Or, pour moi, ce nom symbolise ce qu'il y a de plus méprisant vis-à-vis de la lutte contre le sida et les séropositifs. J'en ai pour preuve les réponses qu'elles avait apportées au questionnaire que Sida Info Service avait adressé à une vingtaine de femmes politiques à l'occasion de la Journée mondiale contre le sida 2006. Voici quels avaient été ses propos, bien sûr non retouchés, non coupés, sans modification d'aucune sorte :
Sida Info Service (SIS) : Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du sida ?
Valérie Pécresse (VP) : Pendant mes études.
SIS : Quelle a été l’étape la plus marquante dans la lutte contre le sida ?
VP : L'introduction des trithérapies.
SIS : Les initiatives privées (Bill Gates, Bill Clinton), de plus en plus importantes pour lutter contre l’épidémie, vous paraissent-elles une bonne chose ?
VP : Oui.
SIS : On a beaucoup parlé des microbicides au sommet sur le sida de Toronto, l’été dernier, comme nouvel outil de prévention. Etes-vous favorable à leur développement ?
VP : Je ne sais pas.
SIS : Au poste que vous occupez actuellement, que comptez-vous faire pour que la recherche avance dans ce domaine ?
VP : Nous lançons comme priorité nationale, à l'UMP, la recherche sur les sciences du vivant.
SIS : S’il n’y avait qu’une mesure à prendre, quelle serait-elle ?
VP : Une information pour prévenir que le risque n'a pas disparu, qu'il faut toujours se protéger.
En parallèle, découvrez, en cliquant sur le titre de cette chronique, les réponses des autres femmes politiques contactées, et vous comprendrez le niveau de réflexion que Valérie Pécresse a sur le sida et les séropositifs. C'est inaccepable. Ainsi, face au projet de Nicolas Sarkozy pour la santé, j'estime qu'il faut prendre clairement parti. Ma décision est donc prise. Dimanche 6 mai, je voterai Ségolène Royal.

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